jeudi 14 mai 2015

Une prison hors des murs



Après une nuit agitée et un peu froide, les visites recommencent. 

En lançant cette action, notre premier objectif était de susciter le débat. Les hauts murs des prisons sont censés être là pour protéger et pour empêcher les détenus de sortir. Au final, ces murs sont un bon moyen d’occulter ce qu’il se passe en prison et de cacher une réalité qu’on ne veut pas voir. En enfermant les détenus, nous soustrayons à nos regards citoyens les questions sociétales dont on ne connait pas les réponses. Entre émotion et raison, il est difficile d’avoir un débat dépassionné sur la thématique. 

Derrière les murs, il y a des détenus, des travailleurs, les familles des uns et des autres, les associations, mais il y a aussi les victimes et leurs proches, les policiers, les acteurs judiciaires, les médias. Chacun a un avis, et chaque avis mérite d’être écouté et pris en compte. 

Tous ces avis, nous devons les entendre tout en n’omettant pas les principes moraux, éthiques et les règles de droit. Sans ces principes, nous pouvons vite partir dans une réflexion manichéenne. Derrière les murs, ce sont avant tout des hommes et des femmes. Un jour, ça pourrait être un de nos proches. Un jour, ça pourrait être nous.

mercredi 13 mai 2015

Vous avez la montre, nous avons le temps



12h que nous sommes dans cette « cellule reconstituée ». La nuit est tombée. Les heures s’égrainent lentement, très lentement, trop lentement. 

L’aumônier de Lantin nous a rendu visite. Nous abordons cette question du temps. A un moment, il travaillait à la prison de Huy. Pendant quelques années, il est parti ailleurs. En revenant, il se rendait compte que les détenus étaient encore là. Sans avoir bougé. Qu’a-t-il fait, lui, pendant 2 ans ? Enormément de choses. Eux ont tourné en rond. Encore et encore, avec pour seule horizon le jour suivant ou une sortie hypothétique dans quelques mois, quelques années. Même en préventive, les détenus attendent un mois, espèrent, rempilent un mois en plus, comptent les jours et recommencent 30 jours plus tard. 

Et nous, cette notion du temps ? Après 12h, nous sommes fatigués. Dans les mêmes conditions, « sans barreau », le temps serait vite passé. Là, les minutes sont si longues. L’ennui ? L’ « enfermement » ? L’espace réduit ? La promiscuité ? Dans notre petit confort bourgeois, nous oublions cette chance de nous fixer des échéances, des objectifs, d’avoir une vraie notion du temps.

Un tiers de la peine !



Ce midi, un policier est venu nous rendre visite. La discussion s’installe. Lorsqu’il y a une grève des agents pénitentiaires, ce sont les policiers qui sont chargés de surveiller les détenus. Il est intervenu à Forest, Saint-Gilles, Andenne, Marneffe, Huy. Il explique que la cellule est proche de ce qu’on trouve en prison. Mais ce qui fait vraiment la différence, ce sont les odeurs, les bruits, les couleurs ternes des murs, la salubrité/insalubrité, ces éléments, il n’y a qu’en y allant qu’on comprend.

Juste après, un ancien détenu s’arrête. Il a fait un court séjour à la prison de Huy. Il trouve la cellule conforme à ce qu’il a vu. Nous lançons alors une réflexion sur le temps nécessaire pour s’adapter à l’univers carcéral. La moyenne serait de 40 jours pour s’ « acclimater ». Il nous explique, qu’en détention préventive, chaque mois, tu espères sortir, à chaque fois que la Chambre du conseil doit se prononcer. A chaque fois, tu replonges dedans. 

En début d’après-midi, alors que le soleil brille derrière les barreaux, un groupe de jeunes sortant de l’école s’approche, curieux d’en apprendre plus sur notre action. Une jeune fille commence par évoquer la nécessité d’enfermer et de punir sévèrement les violeurs et les meurtriers. Mais à force de discussion, elle admet qu’on ne peut penser l’ensemble d’un système sur base d’une minorité de détenus. N’importe qui peut se retrouver en prison, pour des faits souvent beaucoup moins graves. La réflexion fait son chemin : l’objectif est atteint !